“Ce parcours a été passionnant”
20.05.2016
En terminant à New York ce vendredi matin , Thibaut Vauchel-Camus remporte The Transat bakerly avec 11 heures d'avance sur Louis Duc
Les deux solitaires n’avaient pas du tout suivi la même route après le premier coup de vent au large des Açores et l’incertitude quant à la victoire, a régné jusqu’à 200 milles de Long Island…
En franchissant la ligne d’arrivée mouillée au large de Sandy Hook, Thibaut Vauchel-Camus remporte la transat anglaise après 17 jours 12 heures 42 minutes et 56 secondes de mer à la moyenne de 9,04 nœuds sur les 3 804 milles parcourus entre Plymouth et New York. Le skipper de Solidaires en peloton-ARSEP a réussi à faire le break après la zone d’exclusion des glaces sous Terre-neuve suite à l’abandon d’Isabelle Joschke (voie d’eau) et l’avarie de grand-voile du Britannique Phil Sharp. Il ne restait donc plus que le « Sudiste » Louis Duc, parti en solitaire après le premier coup de vent au large des Açores, vers le Sud-Ouest.
Même s’il a connu plusieurs problèmes techniques, en particulier lorsque sa girouette électronique a été arrachée dans la troisième dépression, Thibaut Vauchel-Camus n’a jamais lâché le morceau et la fin de course a été pénible et longue dans une alternance de fronts et de calmes. Plus au Sud, Louis Duc y a cru pendant longtemps, comptant jusqu’à 800 milles d’écart latéral en milieu de parcours ! Fidèle à son choix d’une route méridionale, le skipper de Carac s’est toutefois retrouvé plusieurs fois face au courant contraire du Gulf Stream qui lève une mer très dure dans sa grande courbe vers l’Europe.
Il reste encore cinq solitaires en mer naviguant en Class40 auxquels il faut ajouter Loïck Peyron (Pen Duick II) en route retour vers Quiberon suite à l’accumulation de problèmes techniques : le Baulois devrait atteindre les côtes bretonnes en milieu de semaine prochaine. Mais pour le Japonais Hiroshi Kitada (Kiho), New York est encore bien loin et encore contre les vents dominants ! Il ne devrait en finir qu’en fin de semaine prochaine avec deux nouvelles dépressions à affronter avant d’apercevoir Long Island… Le prochain solitaire attendu sur la ligne d’arrivée devrait être le Britannique Phil Sharp (Imerys) qui peine dans des vents contraires faibles alors qu’il a sa grand-voile déchirée : cette troisième place sur le podium des Class40 devrait donc être attribuée samedi midi (heure française)…
Thibaut Vauchel-Camus (Class40 - Solidaires en peloton-ARSEP) :
« La transat anglaise a été fidèle à sa réputation : il fallait voir pour le croire… et j’ai vu ! Ce fut parfois infernal. Autant le début a été sympa parce que ça glissait, ça cavalait, c’étaient des bords faciles, en partant d’Angleterre au reaching pour finir au portant dans le golfe de Gascogne, au contact. Autant la première dépression au large des Açores nous a remis les points sur les « i » ! C’était costaud : j’ai vu 58 nœuds à l’anémomètre… Et je me suis fait un surf à plus de 27 nœuds : je ne sais pas si cela n’aurait pas été mieux contre le vent. Parce qu’à ces vitesses,-là, on ne sait pas trop comment ça peut se terminer ! De nuit, c’est franchement impressionnant et tu n’en mènes pas large. J’ai enfourné jusqu’au capot de descente ! J’ai failli me casser le dos quand je suis parti en avant sur les winches. Et je me suis cassé des dents…
Dans cette première dépression, j’ai perdu ma girouette puis au deuxième coup de tabac en bordure de la zone des glaces, là où Isabelle (Joschke) a dû abandonner, j’ai perdu tous les aériens. Et évidemment, je suis parti en vrac parce que le bateau était sous pilote à ce moment-là… Et donc la grand-voile a déralingué, le foc solent s’est déchiré, le bateau est tombé d’une vague brutalement et une cloison a cassé et deux se sont décollées… Avec le courant du Gulf Stream, il y a parfois une houle et des vagues de dingues ! De véritables canyons. Alors de nuit, sans vraiment de lune et avec une grosse couverture nuageuse, on ferme les yeux avec le stress. Mais si le bateau a souffert, on voit qu’il est sacrément costaud.
Louis Duc (Class40 - Carac) :
« Ce parcours a été passionnant, contournement d’un anticyclone dès le départ, ce qui nous a fait passer presque au cap Finisterre, négociation d’une grosse dépression au nord des Açores qui s’est creusée avec des rafales à plus de 50 nœuds, positionnement pour contourner la zone des glaces… Depuis un moment, j’étais à l’affut d’une opportunité de trajectoire pour m’échapper, et j’ai vu sur les modèles une porte s’ouvrir vers le sud, avec une météo fiable ce qui n’était pas le cas dans le nord. Chaque jour qui passait, je comparais mes simulations de trajectoire avec le bateau de tête du groupe du nord. A plusieurs reprises, je me suis vu jouer avec la victoire finale, en fonction des prévisions météo et des jours qui passaient, mon humeur variait selon l’avancement des autres bateaux…
Sur cette dernière partie de course, nous avons subi les effets du Gulf Stream ! Nous avions des modèles de prévisions des slaloms que peut faire ce courant d’eau chaude, en théorie très précis, qui se sont avérés totalement inexploitables, quand je pensais être dans une zone sans courant, je me suis retrouvé pendant toute une nuit avec 3 à 4 nœuds de courant contraire ! Très rageant ! »
Edouard Golbery (Class40 – Région Normandie) :
« Ça va bien. On a des conditions assez velues au portant mais ça fait vraiment du bien de naviguer à plat. J’ai passé 15 jours sur un plan incliné à 35° avec des mecs qui me balançaient des sauts d’eau dans la figure. Je ne connaissais pas bien le près mais maintenant, ça va. Je n’en veux plus ! J’espère que l’arrivée est pour bientôt. Je suis hyper content. C’est inespéré d’être là par rapport à mon expérience. J’ai repoussé mes limites à un point inimaginable. Physiquement, je ne sais pas comment j’ai fait. Bravo à Thibaut, il a fait une super course et il a bien de la chance d’être arrivé. Il me reste trois litres d’eau pour finir. J’ai le droit à un verre toutes les 15 minutes. Le dessalinisateur ne fonctionne pas, je suis donc obligé de me rationner… »