LA TROISIÈME NUIT. Les conditions sont restées soutenues tout au long de la nuit. Chez les IMOCA, la flotte s’est rapprochée de la route directe et Yoann Richomme (PAPREC ARKEA, 2e) s’est montré cette nuit légèrement plus rapide que le leader Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance). Au programme du jour : le passage d’une dorsale dans des conditions plus malléables, comme pour les Class40 un peu plus tard. Ian Lipinski (Crédit Mutuel) domine les débats même s’ils sont quatre en moins de 20 milles. Par ailleurs, trois avaries conséquentes sont à signaler chez Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement), Antoine Cornic (HUMAN IMMOBILIER) et Anatole Facon (Good Morning Pouce).
Ne leur parlez pas de fête du travail ! Les skippers de The Transat CIC ne vont pas vraiment bénéficier d’un jour chômé ce mercredi. L’idée même de journée est une considération un peu étrange au large : eux préfèrent découper le temps en grandes phases décidées par la météo. Il y a donc eu la nuit à manœuvrer dans du petit temps entre mardi et mercredi puis le retour d’une dépression à traverser toute la journée d’hier et cette nuit. « C’était la suite de la chevauchée vers l’Ouest, raconte Yann Château de la direction de course. Les conditions étaient bien toniques avec pas mal de changement de voile, de bricolage, de grains à traverser ».
Une dorsale au programme
À bord donc, ça a secoué. Tanguy Le Turquais, longtemps bien placé avec son bateau à dérives droites (Lazare, actuellement 16e), décrivait l’atmosphère hier soir : « on a entre 37 et 46 nœuds de vent de travers. C’est un vent du Nord qui est froid, très sec et qui claque dans les voiles. C’est à la fois magnifique et très stressant. Le bateau prend des grosses accélérations ». En plus du vent soutenu, l’état de la mer est également conséquent avec souvent près de 4 mètres de vague.
Heureusement, une accalmie est enfin prévue. Yann explique la suite : « les IMOCA sortent doucement de la zone avec le plus de vent. Ils vont approcher une dorsale qu’ils devraient négocier dans l’après-midi. On peut également s’attendre à ce que l’écart en latéral (de 90 milles ce matin) s’amenuise d’ici la fin de la journée. Partisan d’une route très Nord, Tanguy le confirme : « ça me permettait d’avoir plus d’angle pour abattre sans perdre beaucoup de terrain. J’ai eu parfois un peu plus de vent mais ça va se resserrer d’ici ce soir ».
Dans la bataille aux avant-postes, si Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) occupe la tête de la course, Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) a accéléré dans la nuit. Il est deux nœuds plus rapide que son rival lors des 4 dernières heures (20,2 nœuds contre 18,6). « Depuis 2 à 3 heures du matin, on a l’impression qu’il a remis un peu de charbon », souligne Yann.
Une nouvelle série d’avaries
Rien n’a donc été facile donc pour les corps comme pour les machines. Dans la série des avaries, Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement) a vu son hook de safran lâché et endommager la barre de liaisons entre les deux safrans. Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence) a fait état d’un problème de vérin de pilote automatique. La trajectoire de Louis Burton (Bureau Vallée), plein Sud hier après-midi, a également surprise : son équipe a évoqué un « problème technique » qui a été résolu « après plusieurs heures d’efforts ».
Dans la soirée, on a appris qu’Antoine Cornic (HUMAN IMMOBILIER) avait cassé sa galette de J3, l’obligeant à se dérouter vers le Sud. Le jeune Anatole Facon (Good Morning Pouce) a lui cassé la tête de safran tribord, ce qui l’a poussé à se dérouter vers La Corogne même s’il va tenter de réparer. « Une des problématiques majeures, c’est que les voiles d’avant sont fortement sollicitées, analyse Yann Château. Lorsque les bateaux tapent dans les vagues, ça provoque de fortes secousses dans les voiles d’avant, ce qui provoque parfois des casses de J2 et de J3 ».
« Le vent fort est beaucoup plus reposant ! » (Lipinski)
Chez les Class40, l’enchaînement a été identique aux IMOCA avec quelques heures de différence. Eux aussi devraient sortir du vent fort et se rapprocher de la dorsale d’ici le début d’après-midi. Le leader Ian Lipinski (Crédit Mutuel) évoque un paradoxe dans un mot du bord envoyé vers 1 heures ce matin : « le vent fort de cette nuit est beaucoup plus reposant que la pétole de la nuit précédente ! Le bateau a une vitesse constante et suffisante ». Il peut enfin naviguer « sans stress » et « peut enchaîner de bonnes siestes ».
Les quatre premiers (Ian Lipinski, Fabien Delahaye, Nicolas d’Estais et Ambrogio Beccaria), situés le plus au Nord de la flotte progressent légèrement plus rapidement que les autres. Ensuite, « le passage de la dorsale devrait faire l’effet d’un élastique, précise Yann. Le vent va mollir, ça va rapprocher ceux qui sont derrière. Et quand les premiers toucheront du vent, ils s’échapperont et l’élastique va se tendre à nouveau. »
Des sourires malgré tout
Les deux représentants de la classe Vintage, tiennent aussi bon, non loin de la flotte des Class40. Hier soir, Rémy Gerin (FAIAOAHE), lanterne rouge de ce sprint, a fait part de son enthousiasme et offert une petite leçon de vie sans le savoir : « c’est génial d’être dernier : les bolides devant ont damné la piste donc la mer est presque plate et ça file ! »
La tension et la répétition des efforts dans le reste de la flotte sont tellement fortes qu’on se doit de se raccrocher à ce que les skippers offrent d’un peu d’humain malgré tout. C’est une photo tout sourire de Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), étonnement apaisé au cœur du chaos. C’est la liste des petits plaisirs culinaires de Guirec Soudée (Freelance.com) : « je mange bien, je me suis fais du foie de morue, un peu de saumon. J’ai des bons œufs, de la bonne charcuterie… » Et puis c’est un autre sourire, celui de Yannick Bestaven (Maître Coq V), casqué dans une vidéo envoyée hier. On est mauvaise langue : le vainqueur du dernier Vendée Globe n’a pas oublié que ce mercredi est un peu spécial. Il avait un jour d’avance mais qu’importe, il a dit ça, tout sourire : « bonne fête du travail… Préparez-vous ! »