Considéré comme l’un des favoris de la 15e édition de The Transat CIC, Ian Lipinski (Crédit Mutuel) n’a pas démérité. Loin de là. S’il s’est incliné de peu à l’issue d’un match de haut vol avec Ambrogio Beccaria, le skipper du Class40 Crédit Mutuel a été l’auteur d’une course magnifique de bout en bout. Ses confidences après le passage de ligne.
Tu viens de passer la ligne d’arrivée et de prendre la 2e place de The Transat CIC. Comment te sens-tu ?Je suis content d’arriver, clairement. Je m’étais dit que je serais fier si j’arrivais à finir. Je suis fier de moi et de toute l’équipe qui a préparé le bateau. C’était quand même un gros morceau. Je suis content. Il y a eu forcément un peu de déception, mais c’était hier. Quand on arrive, elle est déjà un peu digérée et une 2e place, c’est quand même super.
Tu y as cru quasi jusqu’au bout ?
Hier, je savais que c’était cuit mais j’y ai cru plusieurs fois pendant la course. J’ai fait des erreurs, on en a tous fait. Et en solitaire, ces erreurs coûtent beaucoup. Les milles, on les perd par dizaine. Sur une course comme ça, ça se compte en centaines de milles. Avec Ambrogio, on s’est retrouvés bord à bord. On était à vue et il a pris un tout petit peu d’avance sur un bord où je n’arrivais pas à aller aussi vite que lui. Et il y a une zone de transition sans vent, il est parti devant et après, je n’ai rien pu faire. Il mérite largement de gagner. Il n’arrête pas de gagner. C’est un grand nom de la course.
Vous vous êtes livrés un superbe duel tout au long de la course…
J’ai une histoire particulière avec lui. Quand il a commencé la course au large, il a racheté l’épave du Mini avec lequel j’avais chaviré. Il m’a appelé, il a acheté ça pas grand-chose. Il n’avait pas de budget. Il est allé la chercher sur une remorque pourrie à Lisbonne et l’a ramenée en Italie où il a refait le bateau entièrement tout seul. Quand il est arrivé en France, il est venu habiter chez nous sur le canapé pour commencer son projet Mini. Son histoire, il l’a construite depuis ce moment-là. Là, il a dessiné un super bateau avec son copain d’école Gianluca. C’est une super histoire. Je suis très content parce que c’est devenu un ami. Je suis très content de lui avoir donné du fil à retordre tout au long de cette course. Pour moi, la course au large, c’est aussi et surtout de belles histoires d’amitié qui se créent sur ces courses. C’est une étape de plus dans notre histoire et j’en suis bien content.
Tu as quasi tout le temps joué aux avant-postes. Quel regard portes-tu sur ta course ?
J’ai été performant sur la première moitié de la course avec un bateau pas forcément typé pour ces conditions. Mais j’ai mis un engament vraiment énorme, peut-être plus que d’autres, je ne sais pas. En tous cas, je ne pouvais pas faire plus. Ça m’a permis de jouer aux avant-postes sur la première partie. Après, j’ai dû baisser le rythme parce que je ne pouvais pas tenir celui que j’avais mis au début. On a commencé à rentrer dans du mauvais temps compliqué. Je suis à la fois content de l’intensité que j’ai mise mais j’ai toujours l’impression d’être un débutant dans le sens où on n’arrête pas de faire de grosses bêtises qui coûtent cher. On a tout le temps l’impression de découvrir les choses. J’en ai encore découvert plein. C’est ça qui rend l’activité passionnante. J’ai encore appris des tas de choses pendant la course, qui me rendront probablement plus fort sur la prochaine.
Tu as rencontré quelques soucis techniques pendant la course. Peux-tu revenir dessus ?
J’ai eu un problème qui m’a coûté au début la première place. J’ai fait un gros vrac. Le bateau a viré de bord dans 35 nœuds. Ça a été compliqué de réussir à remettre le bateau en ligne de route et j’ai un safran qui est tombé d’un coup dans l’aspiration avec l’eau et qui a coincé son bout en position basse. J’ai un safran qui était en bas. Je ne pouvais plus ni le relever, ni faire en sorte qu’il tienne vraiment. Ça m’a vachement inquiété pendant 24 heures, en me disant qu’on allait attaquer la grosse dépression. Finalement, j’ai trouvé une solution. C’était un super moment. Après, j’ai cassé mon spi. Et j’ai déchiré ma grand-voile. Dans la dépression, j’ai voulu calmer le jeu et affaler mon spi. J’ai voulu lâcher un ris pour aller me reposer avec un peu plus de toile et j’ai déchiré l’arlingue de ma grand-voile sur 40 centimètres. Au lieu de me reposer, j’ai passé deux heures en pied de mât à faire de la couture dans 35 nœuds à me prendre des paquets de mer sur la tête. Ça ne m’a pas beaucoup reposé. Et sinon, j’ai eu un autre petit pet dans la grand-voile que j’ai dû affaler pour réparer. A part ça, je n’ai pas eu d’autres problèmes.
Qu’as-tu envie de faire à ton arrivée à New York ?
J’ai envie de retrouver les copains pour qu’on se raconte la course, de boire une bière ou deux, de voir la Statue de la Liberté. Je n’ai pas d’autres envie particulière pour le moment. J’ai des partenaires qui sont là. Je vais être content de les retrouver. Je vais avoir vite envie de rentrer pour retrouver ma compagne et mes enfants. Et découvrir un peu la ville qui est fameuse. J’étais venu, j’étais tout petit donc je ne m’en souviens pas bien.