Les allures se débrident pour les IMOCA, qui ont enfin touché du portant et filent à vive allure vers New York, où l’arrivée de The Transat CIC pourrait être jugée dès lundi prochain. Alors qu’il ne lui restait plus que 1581 milles à parcourir au pointage de 17h, Yoann Richomme (IMOCA Paprec Arkéa) a pris les commandes de la flotte. En Class40, on assiste à un superbe match entre les quatre leaders emmenés par Ian Lipinski (Crédit Mutuel), qui se tiennent dans un mouchoir de poche.
Si la traversée de la dorsale anticyclonique a laissé un peu de répit aux marins, qui ont profité de l’accalmie pour effectuer un check de leur bateaux, les IMOCA naviguent à nouveau dans du vent fort depuis le début de la matinée. Ces derniers progressent en effet dans 35 à 40 nœuds de vent avec des rafales à plus de 45 nœuds et une mer très courte, ce qui les empêche d’exploiter au maximum le potentiel de leurs machines pour préserver ces dernières. Cela n’enlève rien à l’intérêt du match intense qui se dispute en tête de flotte. En témoigne notamment le changement de leader au pointage de 14h. Yoann Richomme (IMOCA Paprec Arkéa) devance désormais Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) d’une courte tête (15 milles).
Vers un finish incertain
Alors que l’on arrive quasi à la mi-course pour les premiers IMOCA, les jeux sont loin d’être faits et le suspense reste intact. « Les leaders tiennent bien leurs positions mais les écarts sont très serrés. Il y a par contre un peu d’écart en latéral. C’est intéressant car Paul Meilhat (Biotherm), plus au sud, a toujours une carte à jouer », observe Francis Le Goff, Directeur de Course de The Transat CIC, qui note la belle remontée de Sam Davies, 3e à 45 milles du leader au pointage de 17h, et la vitesse de Damien Seguin (Groupe APICIL), le plus rapide de la flotte avec 20,5 nœuds au compteur en début d’après-midi. Ou encore le fait que Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer) soit toujours dans le coup malgré de nombreux problèmes techniques.
© Jean Louis CARLI
« Les IMOCA sont dans le plus fort du portant actuellement. Les premiers commencent à en sortir. Le vent devrait mollir un peu. Les marins vont devoir renvoyer de la toile, effectuer des manœuvres et faire un second état des lieux du bateau avant la phase finale, surtout que tout le monde commence à se dire que la fin de la course est incertaine », indique le Directeur de Course. Selon lui, « s’il n’y a pas d’écart significatif à la sortie de cette zone de vent fort, la fin de course s’annonce très intéressante, car on ne sait pas trop comment ça va se passer sur la dernière journée et demi de course », et qu’il pourrait y avoir du petit temps avant d’arriver à New York.
Une belle bagarre en Class40
Les Class40, dont les premiers évoluent quelque 300 milles derrière le peloton de tête des IMOCA, rencontrent de leur côté les mêmes conditions que les monocoques de 60 pieds à 24 heures d’intervalle. Ces derniers vont donc commencer à toucher du vent fort pour n’en sortir que demain matin, ce qui laisse augurer d’une nuit difficile en perspective. « La flotte s’étire un peu plus que celle des IMOCA, mais on assiste aussi à une belle bagarre aux avant-postes, notamment entre les quatre premiers ». Ian Lipinski (Crédit Mutuel), Fabien Delahaye (LEGALLAIS), Ambrogio Beccaria (Alla Grande - Pirelli) et Nicolas d’Estais (CAFÉ JOYEUX), qui se réjouissait ce matin « de faire partie du beau match de tête de course », se tenaient en effet un tout petit peu plus de 15 milles au pointage de 17h. Ils pointent à l’arrière de la flotte des IMOCA, ce qui doit forcément ajouter un surplus de motivation. Derrière, l’écart se creuse donc : Alberto Bona (IBSA, 5e) pointe à 74 milles en étant légèrement plus au sud, Amélie Grassi (La Boulangère Bio) à 88 milles.
© Romain Marie
Patrick Isoard toujours en tête en catégorie Vintage
Chez les Vintage, en arrière de la flotte, Patrick Isoard (Uship pour Enfants du Mekong) fait toujours course en tête. Ce matin, le Trinitain, qui bénéficie d’un bateau beaucoup plus performant et rapide que celui de son concurrent, venait d’aborder la fin du contournement de la dépression après « une nuit mouvementée proche du centre dépressionnaire avec des vents erratiques, de la pluie, des grains et de nombreuses manœuvres ». Dans son sillage, Rémy Gerin (FAIAOHAE) ferme la marche, et accusait 184 milles de retard sur le leader au pointage de 17h.
© DR
Un abandon, un démâtage, des avaries et une escale technique
L’Atlantique Nord n’est pas tendre avec les marins de The Transat CIC. Suite à l’avarie sur son bout-dehors survenue le 29 avril, Quentin Le Nabour (Bleu Blanc Planète Location) a officialisé son abandon ce matin. Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence), qui a constaté hier une avarie au niveau de la cloison du J3 de son bateau, se déroute actuellement vers les Açores pour évaluer et réparer les dommages constatés. Goulven Marie (QWANZA) a quant à lui informé la Direction de Course du démâtage de son Class40 à 8h25 TU ce matin. Il fait actuellement route vers un port breton sous gréement de fortune. De son côté, Axel Tréhin (Project Rescue Ocean) a heurté un objet dérivant hier en fin d’après-midi. Le marin fait route vers un port où il évaluera les différentes options possibles. Enfin, Aurélien Ducroz (CROSSCALL) déplore la casse de son étai de J1 (solent).
Ils ont dit
Paul Meilhat (Biotherm, IMOCA) : « J’essaie d’avoir une trajectoire assez directe parce qu’il y a un peu de variabilité sur la prévision météo et je n’ai pas envie de me retrouver trop vite sur un extrême. Vu la position de la dépression, j’estimais que c’était plus intéressant de couper la dorsale au plus sud pour pouvoir jouer encore des options derrière. On fera le point ce soir et demain. C’est sympa d’avoir ces conditions. Ce n’est pas une transat que l’on fait au portant normalement. On est contents d’avoir un peu de chance même si c’est un parcours qui est assez dur parce qu’il y a du vent fort. On a déjà eu plus de 40 nœuds de vent hier et on aura la même chose cette nuit et demain matin, un peu plus abattu donc ça sera plus facile. L’ETA est assez rapide pour l’instant ce qui est normal car on fait quasiment une route directe et qu’en plus, on la fait au portant, ou au moins sans tirer des bords de près. Mais il y a encore une incertitude sur comment on va réussir à contourner cette dépression et la fin est assez incertaine. C’est très engagé mais c’est sympa de naviguer dans ces conditions sur les IMOCA ».
© The Ocean Race
Yannick Bestaven (MAITRE COQ V, IMOCA) : « Ce matin c’est assez compliqué, les conditions sont dures, il y a beaucoup de vent et de mer. On ne peut pas aller trop vite avec le bateau sinon il plante dans les vagues, donc j’adapte la toile en fonction. J’essaie de rester dans le groupe, en conservant une bonne vitesse. J’ai malheureusement été ralenti hier suite à la casse d’un bout de descente de foil. Cela m’a bien ralenti le temps de faire la réparation que j’ai réussi à faire. Ensuite je suis revenu cette nuit pour rester dans le paquet de tête. Physiquement, c’est dur car ça tape beaucoup, je n’ai presque pas dormi cette nuit. Il y a encore 5 à 6 heures dans ces conditions et ça devrait se calmer en milieu d’après-midi. Ça me permettra de checker MAITRE COQ V, actuellement c’est impossible de faire le tour. »
Justine Mettraux (Teamwork – Team SNEF, IMOCA) : « J’ai choisi de faire ma pénalité hier soir dans la dorsale anticyclonique. J’ai essayé de trouver un moment où il n’y avait pas trop de vent et où mes concurrents n’iraient pas trop vite pour ne pas perdre trop de terrain sur eux. Au final, c’est toujours dur de savoir entre la prévision et le vent que l’on a sur le moment. J’aurais certainement dû la faire un tout petit poil plus tôt, mais c’est comme ça. On va avoir du vent fort cet après-midi et ce soir pour aller contourner une petite dépression par son nord donc l’idée est de gagner dans le sud-ouest en faisant attention au matériel, toujours. Pour l’instant, je suis plutôt contente de ma course et de la bagarre avec mes concurrents. Les conditions sont engagées pour nous depuis le début, c’est encore le cas maintenant (à 6h50 TU). Je me concentre surtout sur le fait de préserver le matériel et moi-même, de naviguer assez en sécurité. »
© Gauthier Lebec
Nicolas d’Estais (CAFÉ JOYEUX, Class40) : « J’ai Ambrogio (Beccaria, Alla Grande - Pirelli) en visu. Quatre jours après le départ d’une course, c’est toujours sympa. Ça n’arrive pas souvent. J’ai eu deux-trois petits soucis que j’ai réussi à gérer, notamment un petit délaminage sur un raidisseur de fond de coque dans un choc avec une vague. Une fissure est apparue. J’ai réussi à coller des plaques pour réparer ça. C’était cool d’avoir ce répit dans la dorsale que l’on traverse maintenant, qui est une sorte d’accalmie pour nous entre les deux dépressions. C’est assez bienvenu. Ça permet de faire le tour du bateau, de ranger, de bien manger, de se reposer avant d’attaquer la suite. On va se retrouver dans le nord d’une dépression avec beaucoup de vent, au portant. Ça va être assez engagé pendant deux-trois jours. A mon avis, les vitesses des bateaux vont être assez affolantes. Il ne faudra pas trop se laisser aller. L’enjeu est de garder le bateau et le bonhomme en un morceau, et si on va tout feu tout flamme dans cette dépression comme on a parfois l’habitude de faire, il peut y avoir un accident qui gâche tout. Il faut savoir maîtriser sa vitesse et l’engagement qu’on met dans la course. »
Patrick Isoard (Uship pour Enfants du Mekong, Vintage) : « Au vu du nombre d’abandons, je ne regrette pas ma stratégie. Certes, j’ai perdu du temps et je suis ce matin à 300 milles derrière les leaders en Class40 mais je suis toujours en tête de la catégorie Vintage. C’est aussi un de mes objectifs. Maintenant, j’ai devant moi une perspective de descente vers les Etats-Unis durant plusieurs jours en route directe. C’est génial, je vais pouvoir dormir un peu plus. Je prends beaucoup de plaisir, je lis, j’écoute de la musique et je cuisine malgré l’inconfort du bateau. »