L’un a gagné la Transat Jacques Vabre, l’autre a été sacré champion Class40 l’an dernier. Ambrogio Beccaria (Alla Grande Pirelli) et Alberto Bona (IBSA) font logiquement partie des favoris en Class40. Les deux Italiens, que nous avons interviewés avant l’ouverture du village, racontent les particularités de cette course, les enjeux ainsi que le caractère grandiose et chargé d’histoire de l’arrivée.
Qu’est-ce qui explique que cette course est aussi difficile ?
Ambrogio : Pour la majorité d’entre nous, c’est la première fois qu’on dispute cette course donc on ne connaît pas la route. L’Atlantique par le Nord, je ne l’ai jamais fait ! Ça me rappelle un peu mes débuts, ça ramène des angoisses : des côtes, des courants que je ne connais pas, des phénomènes météos que je ne maîtrise pas, de l’eau plus froide…
Alberto : C’est sûr que c’est un parcours que l’on ne fait pas souvent. C’est un peu une nouveauté pour la plupart des skippers qui n’ont pas l’habitude de traverser l’Atlantique par le Nord. J’aime bien dire que l’on va franchir l’Atlantique par la face Nord. C’est plus engageant que les transats habituelles, surtout qu’on la dispute en solo. Il y a des enjeux météo, le courant du Gulf Stream, les icebergs… Ça fait beaucoup d’aspects à négocier ! Mais c’est une course avec une histoire de légende, ça ajoute une dose de motivation.
Vous vous sentez prêt à « vous faire mal » ?
Alberto : Oui, ça fait peur et en même temps ça fait partie de l’aventure. On part dans l’inconnu, surtout que c’est la première fois qu’on le fera à bord de nos scows. Ce sera venté avec une grande partie de près… Ça va être intense !
Ambrogio : Ce sera dur à vivre mais ça fait partie de notre sport. J’aime trouver mon rythme dans la difficulté. Il y a toujours une part de toi qui ne voudrait pas faire ça mais psychologiquement et physiquement, c’est un gros défi. Il faudra faire des efforts pour trouver son équilibre à bord, c’est quelque chose qui m’intrigue énormément.
« La compétition, c’est ce qu’on vient tous chercher »
Vous semblez tous les deux favoris…
Alberto : Oui, on fait partie des favoris mais on n’est pas les seuls ! Ce sera une transat un peu particulière, très nord par rapport aux autres. On s’attend tous à une course très dure.
Ambrogio : Le fait de répondre souvent à cette question, c’est finalement positif. Quand on aime la compétition, il vaut mieux en faire partie ! L’être avec Alberto, c’est un peu paradoxal : on a galéré en Mini et on s’est retrouvé avec de supers projets en Class40 qui nous ont permis de dominer l’an dernier. J’espère que ça peut inspirer des jeunes italiens de nous suivre !
En Class40, le niveau semble particulièrement relevé…
Alberto : Oui, quand je vois le plateau de skippers, il y a beaucoup d’expérience et de talent. En revanche, très peu de marins ont déjà parcouru cette route. Il y a une nouvelle génération qui continue d’émerger avec des projets bien cadrés. On connaît nos camarades de jeu, le niveau exigeant… Je pense que ça va être une sacrée bagarre !
Ambrogio : La compétition, c’est ce qu’on vient tous chercher ! Ça ajoute une part de motivation d’avoir un plateau aussi relevé. Il faudra tout donner, ça nous pousse à apprendre et à se donner encore plus. Mais en Class40, on est habitué à ça !
« Un lien culturel très fort avec New York »
Est-ce que l’on peut s’attendre à ce que la route soit différente de celle des IMOCA ?
Ambrogio : Franchement, je ne sais pas du tout. Après, les skippers IMOCA ont tous le Vendée Globe en ligne de mire, ce sera impossible pour eux de l’oublier. Nous, c’est un peu notre grande course de l’année. Peut-être que ça peut nous pousser à tirer un peu plus sur les bateaux et les bonhommes.
Alberto : Je ne pense pas que ce sera très différent, hormis si on doit faire face à des conditions très particulières. Le choix de route va beaucoup se décider pendant la course. Cela dépendra des phénomènes météos, très dynamiques, des dépressions, du niveau d’engagement. Ce sera super intéressant en IMOCA et en Class40 !
Et vous terminerez tous par une arrivée majestueuse à New York…
Alberto : Oui, c’est une motivation aussi. Ça change des autres transats et des arrivées habituelles aux Antilles. C’est nouveau, différent. Ça nous plaît parce qu’on aura tous une belle photo sous la Statue de la Liberté à l’arrivée. Pour nos partenaires aussi, c’est intéressant d’arriver dans une ville aussi iconique et chargée d’histoire. C’est génial de pouvoir profiter d’un calendrier qui nous emmène dans d’autres destinations !
Ambrogio : Cela résonne particulièrement pour nous quand on connaît l’histoire et les si nombreux Italiens qui sont arrivés là-bas pour chercher une vie meilleure. Il y a tant de familles, dans le Sud de l’Italie surtout, qui ont des aïeuls partis là-bas. Y aller à notre tour par la mer rappellera forcément le lien culturel très fort et très émouvant qui nous unit. Il y aura une idée du gigantesque, quelque chose d’immense.